« Le cycle des légendes bretonnes rapporte que les chevaliers de la Table ronde, avant de partir en expédition, se rassemblaient au plus profond de la forêt de Brocéliande pour s’imposer des épreuves préalables : discuter du choix d’un casque ou d’un destrier et se durcir le cœur au bord des fontaines pétrifiantes. Hier, aux portes de Rouen, on a surtout parlé braquets dans la cuvette forestière criblée de soleil où serpente le circuit des Essarts et, si une épreuve fut effectivement imposée aux champions qui allaient s’élancer vers Caen, elle avait surtout pour objet d’affermir des postérieurs échauffés par trois jours de présence en selle, et que nos paladins eussent volontiers trempés dans la première fontaine venue. Partis du virage du Nouveau-Monde, les coureurs chevauchaient à tour de rôle entre deux falaises de verdure, relevées comme le ciment des vélodromes, pour aboutir au virage du Paradis, autant dire dans l’autre monde, où ils sombraient dans une agonie provisoire, illuminée par une auréole en forme de chronomètre. » 9 juillet 1956.
Cinq cent vingt-quatre chroniques dont plus de quatre cents inédites en volume, voici pour la première fois dans son intégralité le roman du Tour de France par Antoine Blondin.