Ultra, finisher, solo, 5 ans et demi

 

Réédition d’un message déjà publié, coronavirus oblige … Message publié le 15 avril 2019.

 

Je me suis aligné hier matin de très bonne heure sur l’UltraVTT Causses et Vallées Lot Dordogne.
Belle manifestation sur le week-end rassemblant des trailers (180 km solo, 180 km en relais de 4, 87 km solo) et des vététistes (180 km, 87 km en VTTAE).
Nous étions quatre dans l’aventure : Dominique dit « la flèche garidéchoise » et moi sur le 180 VTT, Fulbert et Cédric sur le trail 87 km.

Le circuit partait de Cahors, passait par Saint-Cirq-Lapopie, Gramat, Rocamadour, Labastide-Murat, ça donne une petite idée des terrains qui allaient s’offrir à nous et du dénivelé …

Je m’étais inscrit très tôt à cet évènement et en avait fait un défi personnel, non pas que je sois maso mais parce que je voulais réussir un tel exploit (à mon niveau). Entraînement en conséquence mais sans me mettre dans le rouge : des sorties longues en VTT ou garnotte sans dépasser les 8 heures, je me sais capable de tenir 10 heures sur le vélo et je ne voulais pas en faire plus, peut-être aussi pour conserver le « mystère » du défi qui m’attendait. Dès l’inscription, j’avais lancé l’idée autour de moi, Dominique a suivi, Fulbert et Cédric se sont engagés sur le trail, Philippe et Hervé devaient partir sur le VTTAE (Philippe, si tu lis ces lignes …).

Avec un départ à 3h du matin et l’espoir d’être finisher en moins de 18 heures, je ne me sentais pas capable de rentrer seul le soir, j’ai donc proposé à mon paternel de m’accompagner et de prendre son camping-car. Dominique avait prévu aussi de dormir dans son fourgon et Fulbert et Cédric ont loué une chambre (enfin une chambre, un appartement de toute beauté dans le vieux Cahors et pas cher, un truc rénové avec beaucoup de goût, et qui te donne une sacrée surprise car la cage d’escalier de trois étages sans ascenseur te laisse perplexe au vu de son état).
Rendez-vous donc samedi en fin d’après-midi pour retirer les plaques de cadre et les dossards. Plaque à ton prénom et balise gps pour un suivi live pour la famille et les amis, super !

C’est une épreuve chronométrée, moi je n’y allais pas pour ça mais il y a quand même les barrières horaires à respecter sous peine de disqualification, donc une petite pression alliée à une certaine euphorie t’habite, tu te dis « J’y suis ».
Je savais que Dominique le terminerait entre 12 et 15 heures (plus près des 12 heures) et moi je m’étais fixé les 18 heures limites.

Début de soirée samedi entre amis, une bonne bière (il faut soigner son alimentation), repas avec Fulbert et Cédric (merci les amis) et je pars avec le paternel au camping à 800 m du terrain de sport où aurait lieu le départ … Très joli camping de la rivière de Cabessut. Préparation du matériel et dodo …

Réveil 2h20, tu sens qu’il te manque du sommeil mais tu es content car tu sais que tu y vas.
Drôle d’atmosphère sur le stade, chacun est serein et concentré.

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Départ donné avec un tour de stade et d’entrée de jeu première bien grosse grimpette, ça bouchonne un peu, les missiles sont déjà devant, Dominique doit y être.

Première descente, je n’aime pas les ornières et c’est réciproque, donc j’en prends une bonne (d’ornière et de gamelle), pas de bobo mais je me mets sur le côté et tout le monde passe, l’aventure en solo commence très tôt pour moi mais j’avais rendez-vous avec ça, ça ne m’empêchera pas de discuter avec des concurrents très sympas, de plaisanter, de rouler sur certaines portions avec d’autres coureurs (clin d’œil amical à un autre Thierry avec qui on aura fait une grosse partie du parcours très proches).
Je remonte sur le vélo et là je me rends compte que ma lampe ne tient plus … Mais comme je ne voulais pas abandonner sur pépin mécanique, j’avais pris quelques précautions comme avoir dans mon sac une deuxième lampe … J’ai donc changé de lampe et ai pu repartir. J’ai réparé ça ce soir, c’est juste le support de la lampe qui en fait s’était dévissé.

J’avais aussi mis double dose de produit préventif dans mes tubeless, bonne précaution car quelques kilomètres plus loin j’ai dû rouler sur un truc bien pointu et pendant plusieurs tours de roue le liquide a fusé façon feu d’artifice du pneu et le colmatage s’est bien fait.

 

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Je l’ai déjà écrit sur ce blog : rouler de nuit est extraordinaire, tu découvres un monde nouveau, de nouvelles sensations, tu n’appréhendes pas le relief de la même façon (tu le vois moins, tu le sens dans les jambes mais ça semble plus facile). Et découvrir une trace que tu ne connais pas de nuit, c’est quelque chose, d’autant quand il y a du technique !

Passage sous l’autoroute A20 pour aller rejoindre Les Thézauriès. Impressionnante la campagne seul sur les pistes en pleine nuit, quelques maisons étaient éclairées, tu roules dans un silence total, quelques bruits naturels percent à ton passage … Quelques chiens hurlent à la nuit …
Belle descente sur Saint-Cirq-Lapopie traversé en pleine nuit, magnifique la pierre éclairée par les réverbères, les rues désertes …

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On descend encore par un petit mur bien technique pour aller chercher le GR36 qui longe le Lot par une superbe voie taillée dans la roche. Elle en fait des méandres cette rivière que l’on va retrouver tout au long du parcours …
Et comme nous sommes bien descendus, il va falloir bien remonter pour passer au Pech Merel et près de sa grotte pour attaquer une descente trialisante et très technique sur Cabrerets, lieu du premier ravitaillement solide. Dans la descente, je me dis « Tu  t’appliques, tu passes ! », je me m’avance légèrement sur le vélo pour réenclencher la pédale gauche, et là je me prends ma deuxième (et dernière) gamelle. Toujours pas de bobo (un gros bleu après coup sur la cuisse droite) mais ça freine un peu les ardeurs …

Le soleil commence à pointer, c’est magnifique.

J’arrive à Cabrerets, quelques coureurs sont derrières et les premiers sont passés depuis bien bien longtemps, Dominique aussi … Je suis en avance sur la barrière horaire et, aussi parce que le profil sera moins exigeant malgré quelques gros raidillons, j’améliorerai tout au long du parcours mon avance.
Une soupe chaude, du coca, des fruits secs, je recharge en eau et je repars.
Et donc ça remonte ! Direction Nord vers Gramat, prochain ravitaillement solide et barrière horaire. Point de départ aussi à 5h00 de Cédric et Fulbert sur le trail, parcours commun à partir de ce point. Je pense à eux, peut-être va-t-on croiser quelques trailers en toute fin de parcours …

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Traversée du Causse, forêt, rencontre avec un jeune cerf, désolé de l’avoir dérangé mais il n’en verra pas souvent des bipèdes sur de drôles de monture à cette heure-là et le VTT pour moi est une façon de communier (cela n’a rien de mystique) avec la nature. Et ces murs de pierre infinis qui balisent la forêt et la lande. Recouverts de mousses, ils communient aussi avec la nature, sacré travail de l’homme.

« Ça descend, plus que 20 kilomètres. » me dira un bénévole sur le ravito liquide avant Gramat. Oui, le profil est descendant mais tu te payes le Causse et sa caillasse, omniprésente, ça secoue … L’été, ça doit cogner dur … Le Causse est entaillé de vallées vertes et feuillues que nous traversons, ça monte aussi …

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Arrivée à Gramat où j’avais rendez-vous avec mon paternel qui me suivait sur le parcours.
Une salade piémontaise, du coca, des fruits secs, je fais une petite pause mais ne m’attarde pas trop pour maintenir mon avance sur la barrière horaire. La moitié du parcours a été faite, je me sens bien.

Magnifique sentier dans le canyon de l’Alzou jusqu’au superbe site de Rocamadour, jamais approché pour ma part de cette façon. De nombreux randonneurs croisés, je croiserai de nombreux chemins balisés, des traces, de quoi prendre beaucoup de plaisir à randonner … Le ciel était nuageux, le soleil perce et le fond de l’air est frais.
J’avais étudié le profil du circuit, je savais qu’il y avait un gros mur à la sortie de Rocamadour. Il était bien là, un peu de marche donc …

 

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Le VTT, pour moi, c’est bien sûr rouler mais c’est aussi porter et pousser. Avec le monoplateau et la galette derrière en 50, tu passes quasiment partout mais il faut quand même avoir le moteur qui va bien. Pour ma part, sur de très longues montées et sur de longues distances, je n’hésite pas pour me préserver à descendre et pousser. Je marche à entre 2,5 et 4 km/h et sur des montées dures, sur le vélo je descends quasiment à 4 km/h, je me fais moins mal en poussant.

Passé Rocamadour et ce gros mur, je me dis que si je tiens jusqu’au dernier ravito qui tient lieu aussi de barrière horaire, ce devrait être bon …
Direction donc Labastide-Murat par du vallonné mais sans trop grosses (relatives) difficultés. Pour ceux qui s’y arrêtent quand ils utilisent l’A20 dans leurs déplacements, nous passerons au petit lac de la très belle (et très grande) aire de repos des Causses du Quercy.
Dernier ravitaillement à Labastide-Murat, le circuit part ensuite le long du Vers, proche du GR46, pour arriver à la commune éponyme et retrouver le Lot qu’on ne va plus quitter. Et là, tu te dis que ça ne peut plus monter et donc que c’est tout bon …
Deuxième passage dans la journée sur un pont métallique de chemin de fer, pour passer rive gauche.

 

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Je rejoins Cédric qui est en difficulté pour finir, on discute rapidement et je lui souhaite bon courage, je sais qu’il arrivera au bout même s’il va déguster.

Sur les derniers kilomètres, je vais doubler un certain nombre de trailers du 87 et même du 180 partis la veille et là tu te dis que ces gars (et dames) sont des fous furieux : moi je déguste mais ma machine en prend une partie, elle souffre elle aussi. En trail, tes chaussures ont un petit rôle mais c’est ton corps qui assume tout l’effort et toutes les agressions du terrain. J’ai vu des corps meurtris, titubants, hagards. Chapeau bas, mesdasmes et messieurs les trailers longue distance et chapeau bas à mes deux potes Cédric et Fulbert.

Là, j’essaie de tenir le rythme pour faire mon temps. Un joli petit rampaillou façon de te faire comprendre que tu n’as pas encore gagné et une jolie trace en hauteur du Lot.
Les derniers kilomètres sont très durs, c’est presque un paradoxe : tu sais que tu vas finir, que c’est tout proche mais toute la fatigue de la journée, les coups, sortent à ce moment et tu dois vraiment te le gagner.

Arrivée sur le stade, il n’y plus grand monde, Dominique (49ème sur 119 classés en 12h15, une vingtaine de concurrents ne seront pas classés, et nous n’étions qu’une trentaine dans notre classe d’âge, ça compte aussi) et Fulbert (28ème en 11h07 sur 72 classés, bravo à tous les deux pour leur performance) m’accueillent pour mon tour d’honneur.

Quel plaisir d’entendre ton nom au micro et te voir remettre la belle breloque du finisher !

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Comme je travaillais ce matin et que mon paternel devait se lever très tôt, nous avons dû partir assez vite et n’aurons pas vu Cédric arriver, finisher lui aussi en 15h42.

Nous avons tous les quatre atteint notre objectif.

Très beau parcours, organisation très sérieuse et efficace (top le suivi live, merci à la famille et aux amis qui m’ont suivi, ça m’a aidé). Toutes les personnes sur le parcours, sur les ravitos, étaient aux petits soins.
Le marquage réfléchissant la nuit était très efficace. Par contre, ces balises se voyaient beaucoup moins bien de jour (grises), mais il y avait aussi un balisage au sol, flèches oranges ou petits points, peut-être à renforcer. J’avais la trace mise à disposition par l’organisation sur le site internet, je n’ai pas manqué la trace.

Mal au dos aujourd’hui, pas mal aux jambes, un beau bleu sur la cuisse, mal au bras droit mais debout.

Mais pourquoi se faire mal comme ça ? Cela n’a rien de masochiste, j’aime le sport, j’aime le pratiquer, j’aime le vélo sous toutes ses formes et il est logique d’avoir envie de progresser dans certains domaines. Pour moi, c’est la longue que j’affectionne, à laquelle j’ai envie de temps en temps de me frotter, des trucs comme le TCR me font rêver mais c’est un autre univers, inaccessible, je vise les heures de selles sans forcément souci du chrono, je veux profiter des paysages qui s’offrent à moi, prendre des photos (même si hier, je n’en ai pas trop pris, c’était quand même une course, mais la caméra a tourné), etc. Et bien sûr, je recherche aussi un dépassement, un « exploit » à mon niveau. Ça peut faire mal mais on ne regrette pas.

Je ne suis pas par contre un drogué de ça, même si je pratique régulièrement il m’arrive de ne pas rouler du week-end et je me tiens quand je peux à une sortie par semaine, cela me suffit pour avoir ce niveau de performance.

Ultra, finisher, solo, 5 ans et demi.

5 ans et demi. J’en ai déjà parlé très succinctement sur le blog, j’ai été très malade il y a 5 ans et demi et j’ai mis 5 ans et demi pour récupérer, pour retrouver ma santé, pour récupérer ma forme. Je dédie cette performance d’abord à mes tous proches dont mon paternel qui m’a suivi sur le terrain, à mes amis, à tous ceux qui m’ont suivi en direct (extra ! J’ai même été suivi en Suisse, merci Tonton !) mais aussi aux charmantes personnes qui m’ont rendu malade, un petit pied de nez qui me fait du bien ! Et ce qui est marrant dans cette histoire, c’est que je peux même les remercier car j’ai fait des choses à la suite que je n’aurais peut-être pas faites sans ça …

Film à venir à la suite de cet article …

Et prochain rendez-vous de ce type : 17 juillet 0h00, Castelnau d’Estretefonds – île d’Oléron sur la journée en route et gravel solo, 400 km en moins de 18 heures …

 

2 Responses

  1. J ai adoré te lire et te suivre aussi dimanche au fil de la journée. Tu es un performeur, encore bravo Thierry !!!

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