Sortie journée avec les élèves du cycle 3 de l’école Georges Brassens de Lapeyrouse-Fossat. Au programme : balade dans la Forêt de Buzet le matin et parcours l’après-midi entre la forêt et l’école, parcours vallonné …
Pourquoi amener les résidents à partager ces sorties avec des enfants ? Je me suis posé la question avant de leur proposer ça en 2015 avec mes élèves à Garidech …
Je ne connais pas les politiques des autres pays en faveur de l’inclusion dans la société des personnes en situation de handicap (j’entends par inclusion la normalisation : toute personne en situation de handicap doit pouvoir utiliser normalement les transports publics, doit pouvoir entrer normalement dans tout lieu public ou privé, etc.) mais en France il y a un gros (euphémisme) décalage entre le discours politique (à tous les étages, y compris au niveau local) et les faits, les exemples sont tellement nombreux, c’en est honteux mais c’est aussi la société dans son ensemble qui est responsable, ne serait-ce que par sa représentation générale du handicap … Confronter, éduquer à cette relation au handicap sans l’être doit passer par la compréhension des problématiques ou des aménagements que cela engendre, cela doit passer donc par la fréquentation des personnes concernées, fréquentation par des moments de partage, sans commisération, le sport y contribue. Je digresse : à quand des Jeux olympiques qui débuteront par le paralympiques avec la même couverture médiatique et qui seront suivis par les jeux valides ?
Amener mes élèves à fréquenter, à partager par le biais du sport, une activité, une expérience avec des adultes en situation de handicap n’a rien d’une sortie au musée ou au zoo, il faut insister : les personnes en situation de handicap, à plus forte raison quand ce handicap peut être de l’ordre du psychique, ne sont pas des animaux de foire … On entend si souvent « Regarde le gogol … » et tant d’autres remarques ou regards moqueurs, en biais ou condescendants …
Les adultes qui partagent par le biais du tandem ces sorties avec mes élèves ont autant à gagner et à apporter que les élèves : ils sont considérés comme des adultes à part entière par les élèves qui tout de même sont beaucoup plus tolérants que bien d’adultes même s’ils ne craignent pas de questionner, ils passent une journée « normale », les élèves les intègrent sans problème au groupe, les encouragent, se questionnent aussi ou questionnent et comprennent qu’on peut avoir des fonctionnements différents, des communications différentes et avoir droit à sa place dans la société. J’ose espérer, en plus du travail que nous menons en classe sur le handicap, que ces moments de partage aideront les élèves à construire leur conscience sur ce sujet du handicap et en feront des militants …
Un gros truc en plus … Si vous n’avez pas encore vu le film « Un petit truc en plus », courez-y, il est tout simple, frais et surtout les acteurs, oui ce sont des acteurs, pas des personnes en situation de handicap qui jouent un rôle de personne en situation de handicap, sont de véritables acteurs, qui n’hésitent pas à rire de leur propre situation et de pousser à la caricature … J’en reviens au « gogol » qu’on peut entendre dans la rue, voire dans les cours de récréation : dans le film, le « gogol » ne joue le gogol, il rit de sa situation et joue vraiment … Ce film, dans un tout autre registre, est aussi important à voir que « Le huitième jour » … Ne manquez pas non plus la mini-série « Vestiaires » ou « Les rencontres du Papotin », diffusées par le service public, c’est à noter.
Quel scandale cette histoire de maisons de haute-couture qui n’ont pas voulu habiller l’équipe du film sous prétexte que leurs quotas de vêtements de gala de prêts avaient déjà été atteints … Malheureusement le scandale est journalier : places de parkings occupées, signalétique plus que problématique dans les transports en commun ou les rues, encore plus en période de travaux, accès inadaptés, etc. Du travail est tout de même fait. Rappelons que ce que demandent les personnes en situation de handicap n’est pas de l’ordre de la pitié, elles veulent juste pouvoir vivre normalement leur handicap.
Un gros truc en plus : ces moments partagés avec les résidents de Marie-Louise me construisent, aiguisent mon civisme, me motivent, me secouent parfois, me grandissent, pas au sens altruisme ou bonne action, me grandissent personnellement.
Je l’ai déjà écrit : ce projet « À eux c’est encore mieux » est né dans un moment difficile de ma vie, qui m’a handicapé de façon temporaire, peut-être l’aurais-je tout de même mené sans cela, je ne le sais pas, je suis heureux très personnellement, sans orgueil, d’avoir lancé ça. J’en viendrais presque à remercier les personnes coupables de ce qui m’est arrivé … J’ai passé là un moment important dans ma vie, cette rencontre qui a suivi avec Marie-Louise (une histoire de rencontres humaines avant tout) m’a marqué.
Philippe Croizon, quand il parle de son handicap, affirme que si on lui redonnait ses deux bras et ses deux jambes pour qu’il retrouve sa vie d’avant son accident, refuserait : il n’aurait jamais pu avoir sa vie actuelle de nageur de l’extrême et d’aventurier sans cet accident … Il faut tout de même avoir une sacrée force de caractère pour dire cela, et je le crois, mais a-t-on vraiment le choix dans une telle situation, n’est-ce tout simplement pas vital ?
Ce truc en moins te donne en fait un gros truc en plus, une façon de mieux relativiser face aux pépins de la vie, même si parfois ce doit être difficile, ou rendu difficile par le regard et le comportement des autres.
Revenons à la balade du jour avec nos CM1 et CM2. Bruno nous a rejoints à Buzet avec Camille et Cédric pour partager la journée.
Le matin, une bonne mise en jambe en lisière de forêt nous a conduits à traverser une petite combe que j’affectionne particulièrement, ça descend bien et ça remonte dur, et cela peut-être quelque peu humide en bas. Cela a été le cas ce matin, passage à gué un peu gras. Les enfants ont adoré, certains l’ont abordé avec un peu d’appréhension mais chacun s’y est essayé.
Un grand bravo à Bruno et Camille qui ont passé l’obstacle de façon très musclée ! Pour Cédric et moi-même, nous nous y sommes repris à deux fois, sans succès, petit problème de coordination dans le pédalage ou de communication … Nous avons tous les deux, même si Cédric est dans le non-verbal, bien rigolé.
Nous nous retrouvons toujours avec grand plaisir, Cédric, malgré ses difficultés à s’exprimer ou à se faire comprendre, est toujours volubile ; Camille toujours aussi attachante, elle a bien appuyé tout au long de la journée.
La balade de l’après-midi était vallonnée, tous les deux ont bien appuyé …
Enfants et adultes se sont encore une fois bien dépensés, dépassés aussi.
Une deuxième sortie avec Marie-Louise est prévue ce mois-ci, avant l’été, le 19 juin, si la météo le permet.